Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 6

Les paroles de Danseur de Gigue se concrétisèrent quelques jours plus tard.
Étant parti chasser avec Diapason d'Ut, le Danseur frémit en sentant l'odeur de leurs ennemis.
« On devrait peut-être s'éloigner d'ici, je sens l'odeur des Esprits... »
Un mouvement se fit entendre derrière lui, et une voix de sadique professionnel retentit:
« Trop tard... »
Ce fut tout ce qu'ils entendirent alors que la dizaine de chats présents leur sautait dessus.
Les deux chats se débrouillaient bien, mais le chef du petit groupe, un mâle roux efflanqué, finit par dire:
« Bon, tant pis pour Ombre. Assommez-les, mais essayez de ne pas trop les abîmer. »
Les ennemis ne se fatiguèrent plus à essayer de les plaquer au sol, et les deux amis sentirent un léger coup à l'arrière de leur crâne.
Ils s'effondrèrent.

Danseur de Gigue reprit très rapidement conscience. Il ne savait pas où il était, mais il avait une migraine abominable.
Il se sentait tiré par la peau du coup, tiré sur le sol de la forêt. Il regarda son ami, toujours inerte.
Tant pis, pensa-t-il.
Il se releva, et, tandis qu'il bondissait sur son gardien, il les railla, histoire de les ridiculiser.
« Dites-moi, comme moyen de transport, on fait mieux. »
Mais ces paroles l'avaient distrait, et un autre, qui s'y connaissait décidément trop bien, lui administra un coup de patte exactement au même endroit que la fois précédente.
Et zut, pensa-t-il une dernière fois avant de sombrer.

Danseur de Gigue ouvrit les yeux. Il avait l'impression que le bec d'un pivert malade lui avait traversé la cervelle de part en part.
« ... On résisté, tu dis? Vu leur état, ça n'a pas été très utile. »
C'était la voix crissante et désagréable d'Ombre.
« C'est vrai que tout un troupeau contre nous deux, c'est extrêmement équitable », le piqua le Danseur d'une voix un peu pâteuse.
Danseur de Gigue regarda un peu autour de lui, vit des chats, des gros, des petits, mais tous avec un air mauvais peint sur le visage.
Pas de chance. Ils étaient tombé en plein milieu du camp des Esprits.
À côté de lui, Diapason d'Ut. Le vieux Danseur tenta de se traîner jusqu'à lui discrètement, mais la patte sur-musclée d'un félin lui tapota l'épaule.
« Non non », chantonna-t-il.
Le chat ne répondit rien et se contenta d'attendre.
Pas très longtemps, car son ami reprit conscience quelques instants plus tard.
« Ah, je vois que nos deux... Invités sont réveillés, » dit Ombre.
Les deux prisonniers percevaient déjà l'intonation sadique de sa voix.
Celle-ci rappelait pourtant des choses étranges au Danseur. Des choses anciennes, qu'il aurait préféré oublier, mais qui hélas étaient gravées à tout jamais dans sa mémoire. Ombre passa enfin dans son champ de vision, et il reconnu cette démarche qu'il avit si souvent observée. Cette allure, ces yeux, cette fourrure... Pris d'un terrible doute, il interrogea:
« Lé... Lé... Lé...?
- Et bien, tu en as mis du temps à comprendre, vieux Danseur ! L'interrompit le mâle. Dès que je t'ai vu, j'ai su que ma revanche allait enfin s'accomplir. Tu n'es que le premier sur ma liste. Tu vois, je n'avais pas besoin de ton stupide Héritage!
- Il.. C'est lui? Souffla le Chanteur.
- Oui, acquiesça sombrement son ami.
- Mais il n'étais pas censé être... Mort?
- Et bien non, comme tu peux le voir, je suis en parfaite santé, ricana le chef.
- Pas mentale, en tous cas, » marmonna le Danseur.
C'est à ce moment qu'il perçut la brèche. Discrètement, il donna un coup de patte à son ami, tout en entretenant la conversation.
« Et comment les as-tu rassemblés? Demanda-t-il en désignant d'un signe de la tête les nombreux sous-fifres du chat.
- Simple question de relations, » répondit-il avec arrogance.
Pendant ces brèves paroles, le Danseur fit un signe discret en direction de la brèche dans le mur d'épineux bordant le camp. Enfin, celui-ci saisit. D'un bond souple, les deux compagnons sautèrent sur leurs pattes et traversèrent le campement de la Horde des Esprits.
Malheureusement, une petite quinzaine de leurs ennemis les suivaient. Leurs pattes, rodées par une vie à la dure, rattrapèrent sans trop de peine les deux vieux, qui couraient toujours aussi vite que possible. Ils réussirent à regagner quelques mètres d'avance. Le Danseur résistait à son envie de se jeter dans son temps. Il ne pouvait décemment pas abandonner son meilleur ami!
Encore sonnés par les coups sur leurs crânes, ils prirent la mauvaise décision.
Ils tournèrent à droite.

Le camp des Esprits avait été installé tout près d'une immense falaise, qui, au bout de quelques centaines de mètres, s'abaissait au niveau du sol.
En prenant dans cette direction, es deux vieux tournaient le dos a-à la pente douce.
Le terrain se prolongeait sur un minuscule piton rocheux, puis s'achevait dans le vide.
Diapason d'Ut aperçut le bord de la falaise, jeta un coup d'œil derrière aux, vit les chats qui s'approchaient. Il jeta un regard en direction de Danseur de Gigue, qui comprit que c'était la fin.
« Alors? Questionna le Chanteur à son plus vieil ami.
- On n'a pas tellement le choix.
- J'ai été content de t'avoir pour ami.
- Moi aussi. »
Le Chanteur regarda une dernière fois leurs poursuivants, qui arrivaient en trombe, certains de pouvoir les attraper.
« De toute façon... Tenta le Chanteur.
- En effet. »
Ils sautèrent.