Il y a bien longtemps, alors que les hommes n'avaient pas encore colonisé toute la Terre, quatre poulains, quatre frères, naquirent, chacun d'une étrange façon.
Ils étaient les fils de la Licorne elle-même, et leur père n'était autre que Pégase, le cheval ailé. Celui-ci séduisit la jument en galopant sur les nuages, en se roulant dans leur neige éternelle, et pendant presqu'un an, ils vécurent ensemble. Pendant cette année, la Licorne connut une vie extraordinaire : Pégase lui rapportait les herbes les plus parfumées du sommet des montagnes, la prévenait des dangers quiauraient pu survenir. Mais cette prévenance était inutile. L'Unicorne pouvait se défendre grâce à son arme d'ivoire, émergeant de son chanfrein telle un mât de beaupré. Elle chargeait ses ennemis, baissant la tête au dernier moment, et la dernière chose qu'ils voyaient étaient ses deux yeux flambyant de rage.
Enfin naquirent les quatre petits. Quadruplés n'était pas leur seule particularité.
La Licorne les nomma en fonction de ce qu'elle voyait.
Guerre était un poulain entièrement pourpre, dont seules la crinière et la queue détonnaient : en effet, elles brûlaient d'un feu éternel. Il galopait plus vite que le vent, enflammant tout les êtres vivants osant s'opposer à lui, déclanchant les guerres et les gagnant.
Il fut le premier à naître, jaillissant d'un coup d'un arbre ayant prit feu devant la Licorne. Aussitôt il se mit à téter avec avidité, se blottisant sous le ventre de la jument. Celle-ci, surprise, se rendit compte que le feu de sa crinière ne la brûlait pas.
Famine, à la robe alezan entièrement noire, semait sur son passage la faim, il faisait fuir le gibier des prédateurs et déssécher les herbes, les feuilles et les arbres. Lui seul - et ceux à qui il accordait ce droit – pouvaient se nourrir quand il était dans les parages, bien qu'il conservât en permanence cette apparence de squelette recouvert de peau.
Il fut le deuxième de la fratrie, apparaissant lui aussi d'un seul coup, mais lui dans une mare qui s'assécha immédiatement après qu'il fut apparut. Il se mit aussi à téter, alors que la Licorne contemplait, abasourdie, le vide laissé par l'eau dans laquelle elle s'apprêtait à plonger le nez.
Peste, le troisième, était d'un blanc immaculé seulement par sa couleur. Sur son passage fleurissaient les maladies contagieuses, affaiblissant puis tuant les autres êtres vivants. Mais il choisissait seuls quelques créatures lui déplaisant pour les contaminer. Ses frères et sa mères étaient les seuls épargnés à coup sûr.
Il fut naturellement le troisième de la fratrie. La Licorne traversaità ce moment des marécages environnés de vermine, de moustiques, de tiques et de taons. Il apparut au milieu du nuage d'insectes dans une fumée verte qui l'accompagna alors partout où il allait. La Licorne sentit alors toute la vermine qui l'agressait se retirer, comme un cadau offert par son fils pour la remercier de la vie qu'elle lui avait donnée.
Mais le plus terrible était sans aucun conteste Mort. Sa robe verdâtre, presque blanche, semait plus que la terreur sur son passage : en effet, il était porteur de la mort elle-même. Chaque être vivant le touchant décédait immédiatement, sans même une seconde de répit.
Il fut le dernier des quatre à naître, apparaissant simplement pendant un orage particulièrement violent, dans un éclair de lumière foudroyant un arbre... Mort sur le coup. L'orage s'arrêta, alors que la Liconr, au comble de la panique, ne savait plus où se réfugier. Mort regarda sa mère d'un oeil complice, et se glissa sous son ventre pour boire le lait nourricier.
Les Quatre grandirent sans leur père, et à mesure qu'ils devnaient plus forts, on les craignait de plus en plus.

*

On aurait pu croire que ce règne de terreur se poursuivrait jusqu'à la fin des temps, mais bien que les quatre chevaux soient immortels toutes les choses ont une fin.
En effet, leur père, Pégase, lorsque la Licorne les lui avait montré, avait prit peur et s'était enfuit dans les nuages pour leur échapper.
Les quadruplés, blessés dans leur orgueil et ne comprenant pas pourquoi leur père les craignait, puisqu'ils avaient toujours protégé leur famille, décidèrent de se venger et de lui donner une bonne raison de les craindres.
Mais l'étalon restait à l'abri dans le ciel, caché parmi les nuages. Les poulains, désormais adultes, eurent une idée diabolique. Puisque Pégase ne venait pas à leurs sollicitations, il viendrait certainement pour une raison nommée... La Licorne.
Les quatre capturèrent leur propre mère, et lancèrent un ultimatum à leur père, qui les rejoignit en les suppliant de laisser l'Unicorne partir. Il découvrit alors que c'était celle-ci qui avait soufflé leur plan à ses petits, ne supportant pas d'avoir eu des poulains de cet étalon craintif.
Les autre se donnèrent dans toute leur puissance face à lui, lui jurant pourtant de ne jamais les blesser, lui, Pégase, et elle, la Licorne. L'étalon, rassuré, jura alors de toujours veiller sur leur mère, et enjoignit aux quatre de découvrir le monde.... sans jamais se séparer. Ils leur dit : Vous serez invincibles tant que vous restereaz unis. C'est ce qu'ils firent après des adieux dans la forme.

*

Les Quatre ne se disputèrent qu'une seule fois. Et cette fois-là, même si personne ne s'en souvient de manière consciente, l'inconscience générale et le monde en furent marqués.
La cause de leur dispute fut une magnifique jument, nommée Épona, de laquelle ils étaient tombés éperdument amoureux. Sa robe palomino resplendissait sous le soleil. Ils la rencontrèrent chacun séparément, et lui donnèrent rendez-vous au soleil couchant, tous au même endroit. Un peu intimidée par leur prestance, elle ne dit rien à aucun d'eux, et il se retrouvèrent tous les cinq sous un grand arbre au soleil couchant.
Lorsqu'ils apprirent qu'ils avaient été abusés, ce n'est pas contre la jument que leur colère se déchaîna, mais contre eux-mêmes. Ils se battirent toutes la nuit, sans qu'aucun ne puisse battre les trois autres : car au jour de leur naissance ils avaient promis de ne jamais utiliser leurs pouvoirs les uns contre les autres.
Tous les autres êtres vivants se terraient, terrifiés par ces déchaînements de puissance trop forts pour eux. Seule Épona regardait les quatre étalons, car elle avait prévu tout cela de longue date. Elle désirait simplement que les Quatre s'entretuent, puis elle pourrait récupérer leur royaume sans se fatiguer. Car, en vérité, elle les haïssait tous autant qu'ils étaient.
Famine, Peste, Guerre et Mort se battaient deux par deux, changeant parfois de partenaire pour reprendre leur violente danse. Mais aucun ne parvenait à porter un coup décisif à son adversaire.
Cependant, Pégase et la Licorne finirent par être mis au courant de l'affaire. Aussitôt, ils se précipitèrent vers le lieu des combats. Celui-ci n'était plus rien qu'une morne plaine de terre noire, au centre de laquelle les Quatre se battaient toujours avec acharnement.
Il arrivèrent pour s'interposer, alors que Mort était sur le point de briser sa promesse et de tuer d'un seul regard Famine.
Ils arrêtèrent enfin les hostilités, et constatèrent qu'Épona n'était plus là. En suivant les conseils de la Licorne et de Pégase, ils s'unirent pour mener l'enquête et suivre Épona. Ils se rendirent compte que, croyant qu'ils continueraient de se battre sans elle, elle avait déjà commencé à parcourir le pays...
Leur colère aussitôt évanouie, les Quatre partirent à sa poursuite. Ils la rattrapèrent sans difficulté.

*

Depuis ce jour, les Quatre, bien que se montrant plus discrets, n'ont jamais cessé de vivre et ont promis, en plus de ne jamais faire usage de leurs pouvoirs sur leur famille, de ne plus jamais se laisser tomber amoureux pour une jument...

FIN