Souvenirs d'enfances

J'explique rapidement, même si le titre dévoile tout. J'ai mis par écrit mes souvenirs d'enfances, et il y a en d'autres qui arrivent. J'essaie de joindre des photos pour que vous imaginiez mieux ^^

SOUVENIR D'ETE

L’air était lourd, et le soleil brillait haut et fort dans le ciel d’un bleu si éclatant qu’on en avait mal aux yeux rien qu’à le regarder trop longtemps. Aucun nuages cotonneux ne s’y baladait. Seul les hauts sommets mystérieux de quelques montagnes semblaient toucher cette immensité lointaine et inaccessible. L’herbe des prés en contrebas de la forêt était brûlée, ce n’était plus que désolation, loin de la prairie verdoyante regorgeant d’herbe grasse et épaisse.
J’aimais tant me réveiller dans ma chambre aux murs et fleuris, en regardant les quelques rayons lumineux filtrer à travers les épais rideaux. Effrayée après une nuit sombre, silencieuse, durant laquelle la sonnerie de l’horloge centenaire retentissait comme le cri sourd d’un fantôme, j’étais soulagée de voir qu’il ne pouvait plus rien m’arriver. Je restai de longs moments à écouter l’éveil de la vie, le commencement d’une nouvelle journée. Je restai blottie entre les épaisses et rassurantes couvertures, fermant les yeux et percevant le chant des oiseaux perchés dans quelques arbres du jardin. Je souriais à l’entente des cloches familières des poneys, sans aucun doute broutant dans le pré attenant au jardin. Ce petit jardin, cerclé de murs de pierre, au milieu duquel se dressait un pommier à moitié mort, mais qui donnait, par je ne sais quel miracle, des pommes que seul mon grand-père osait manger, et c’était à nous, pauvres enfants, de nous pencher et de grimper sur les branches marquées par les décennies pour décrocher les pommes dont les branches ployaient dangereusement sous leurs poids, elles semblaient si fragiles, prêtes à se briser au moindre souffle de vent trop puissant. Nous nous acquittions de notre tâche, trop heureux de savoir que nous aurions notre franc de récompense avec lequel nous pourrions acheter des claques-doigts, que nous ferions exploser sur la terrasse toute fraîche au grand daim des adultes qui nous jetteraient des regards ennuyés et mécontents. Ensuite nous irions je le savais, courir jusqu’à la maison d’en haut pour aller chercher la nourriture des poneys, et par une chaleur intense, nous allions devoir rester une bonne heure sous le soleil à les nourrir, les panser, et à ramasser le crottin accumulé dans le champs. Comme d’habitude, le déjeuner serait servi vers treize heures, et nous resterions coincés pendant une bonne heure, forcé de rester à table jusqu’au dessert, là où nous implorions grâce à notre grand-père et que celui-ci nous accorderait le droit de sortir de table. Ce que, mes cousins et moi nous empressions de faire. Nous nous en allions dans le village flâner le long du Gave, dans lequel nous avions interdiction de nous baigner à cause de son courant trop fort, qui, nous avaient prévenus nos parents, avait déjà emporté une adolescente alors qu’elle se baignait avec sa grand mère. Nous n’osions pas y aller, et de toute façon, l’eau y était bien trop froide, s’y tremper un orteil était comme recevoir une morsure gelée. Jean-Philippe et moi, nous contentions donc de descendre les rochers –ce qui était dangereux- mais à sept et neuf ans, on ne se rend pas vraiment compte de la notion du danger, puis nous nous glissions sous le pont, munis de nos cannes à pêches et de nos permis de pêches, rangés dans une de nos poches, nous restions à l’ombre du pont, et sur des rochers plats au bord de l’eau, à savourer les températures clémentes, car l’eau gelée et l’ombre, faisaient considérablement descendre le mercure du thermomètre. Nous pouvions rester pêcher des heures durant, debout, et à la fin, raides de fatigues, mais nous tenions, même si nous savions que nous allions rentrer bredouille de notre pêche. Nous rebroussions chemin et allions faire un tour aux Aroums, c’est une sorte de place très étirée, à l’entrée du village, à l’un de ses côtés glissait tranquillement un ruisseau, et au fond, le lavoir, et un bâtiment en bois, couvert d’un toit en tuile, mon grand-père m’expliqua un jour que cela servait à ferrer les chevaux dans le temps. Aujourd’hui, c’était inutilisé. Sauf par les enfants du village qui grimpait sous sa toiture. Mes cousins en faisaient parti. Ils n’avaient pas froid aux yeux et grimpaient jusqu’en haut. Moi je m’arrêtais toujours à mi-hauteur, par peur de ne pouvoir redescendre. Lorsque l’église sonnait quatre heures, nous rentrions toujours goûté, c’était sacré. Soit à la maison d’en bas, soit à la maison d’en haut. Inutile de dire que si je passais mes vacances d’en la maison d’en bas avec mes cousins, et le reste de ma famille, je préférais la maison d’en haut, celle où vit mes grands-parents, elle était certes plus petite, mais plus moderne, et beaucoup moins effrayante. J’appréciais particulièrement le jardin. D’un côté cerné par le mur et la maison en pierre qui menaçait de s’écrouler de la voisine, et de l’autre, donnant sur un jardin inoccupé. Au centre du jardin, il y avait cette bonne vieille balançoire, d’un vert passé, couvert de rouille, à côté du grand pin, et d’un cerisier. Il y avait encore deux arbres derrière la palissade du poulailler, et du pigeonnier. Je me souviens particulièrement de ce jour où mon père, mon oncle et mon grand-père ont tués tous les pigeons et toutes les poules. Je me souviens des petits cadavres sanglants soigneusement dépecés jeté dans des grands sceaux. Et le soir, au repas, ainsi que les jours d’après, nous n’avions eu que du pigeon à dîner. Tandis que les hommes, dans le jardin de la maison d’en haut, étaient en train de massacrer tous les volatiles, dans le jardin de la maison d’en bas, les femmes, ma mère, ma tante et ma grand-mère, elles, étaient en train de décortiquer soigneusement les gros escargots marrons que nous avions, moi et mes cousins, ramassés. C’était pour nous un jeu, et pendant que nous les ramassions, nous nous efforcions de ne pas penser au triste sort qui les attendait. Et nous mangions aussi des escargots.
Nous ne pouvions plus jouer, ni avec les poissons, ni avec les poules et les pigeons, ni avec les escargots. Nous nous lançâmes donc, Jean-Philippe et moi, dans la chasse au lézard. Tandis que Ludovic était occupé à travailler bénévolement à la scierie dont nous entendions sans cesse le bruit du jardin, qui n’était qu’à une cinquantaine de mètre sur notre gauche. Notre chasse fut fructueuse, et nous passâmes ainsi des journées entières à capturer des lézards, et à en tuer plusieurs à l’occasion. Et ce fut moi, qui à ma grande horreur, découvrit tout les cadavres, sous les rires moqueurs de mon cousin. Je me taisais et restait collée à ma mère. J’aurais aimé monté m’enfermer dans ma chambre, mais la maison me faisait terriblement peur, et je ne pouvais pas monter seule à l’étage, même en plein jour. Aujourd’hui j’ai conservé cette peur enfantine, et lorsque je gravis les marches grinçantes, il subsiste au fond de moi, un léger pincement. Mais désormais, cette maison, ce refuge n’est plus à moi, et dès que j’y pénètre, envahie de nostalgie et de tristesse, je sais que j’appartiens à son passé, et non à son futur. Et c’est avec lenteur que toujours, je descends ces marches, que je caresse ces murs qui ont résistés à plus de trois cents ans d’existence, dans laquelle ma famille a toujours vécu. Lorsque le moment du départ sonne, je m’en vais, désormais sans regret, car je sais que je laisse mes racines ici, et j’en conçois une tristesse indescriptible, mais surmontable, et je sens au plus profond de moi, que si j’appartiendrais toujours à cet endroit, que lui, ne m’appartiens plus. C’est désormais, comme une étrangère, que je pénètre en ces lieux qui ont bercés et abrités ma plus tendre enfance. C’est dans ce jardin presque inconnu, qui n’est plus que l’ombre de lui-même, que je me promène, cherchant dans l’ombre du pommier une marque, un souvenir. C’est vers les rosiers qui n’écloront plus jamais près du mur en brique grise qui mon regard ère, c’est vers ce chêne grandissant que je m’arrête. Puis, au-delà du mur du fond, c’est ce pré aujourd’hui presque abandonné que je fixe, dans ce pré où autrefois trois poneys broutaient tranquillement, et qui désormais est désert. Tout est silence, tout semble mort, si ce n’est le chant lointain d’un oiseau. Même les poules et leurs caquètements insupportables du poulailler de la voisine se sont tus pour toujours. Seul est encore perceptible le bruit d’une balle cognée par la pala contre le fronton. On peut encore entendre le bêlement des moutons, ou le meuglement mécontent d’une vache. Mais toute trace de jeunesse est effacée, disparue.
Les temps ont changés, et seul les souvenirs restent.