Bonjour bonjour !
Chers membres, vous vous êtes aventurés ici, et vous ne le regretterez pas //SBAFF//. Non, sérieusement, depuis le temps que j'écris des fanfics, j'ai ENFIN le courage d'en poster une sur un forum ! Bon, petit intro : l'histoire se déroule bien, bien des lunes après le temps d’Étoile de Feu, sur leur nouveau territoire. Le récit est principalement basé sur deux chats du Clan du Vent, une guerrière qui se nomme Cœur d’Étincelles et un mâle qui s'appelle Plume d’Épines. C'est assez chaud d'écrire une histoire sans "bases", parce que les Erins n'incarnent jamais un guerrier de la lande ! Donc bon, j'arrive pas à faire des énormes chapitres, mais je suis assez fière de moi //2e SBAFF//. Pour l'instant, j'ai uniquement constitué le Clan du Vent et celui du Tonnerre, mais les autres arrivent, là, je suis sur celui de la Rivière. Sinon, si vous aviez des idées de nom …
Voilà, bonneuh lecture les gens 8D

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PROLOGUE
(plusieurs lunes auparavant …)

Le souffle du vent sifflait sur la lande déserte. Des nuages gris foncés s'amoncelaient dans la voûte céleste, cachant l'astre solaire au détriment des herbes hautes remuées par la douce bise. Au travers du brouillard opaque, on ne pouvait distinguer les guerriers d'antan, qui apparaissaient peu à peu dans le ciel bleu marine. Une grosse goutte froide s'écrasa sur le pelage gris foncé d'un chat trapu aux yeux vairons. Il parcourait la bruyère au galop, suivi d'une horde de félins décharnés, à la fourrure terne, mais aux muscles noueux et aux yeux brillants d'un éclat d'ambition démesurée. Une femelle efflanquée au poil gris terne courait à ses côtés, sa fourrure écrasée contre ses flancs osseux.
« Aile de Granit ! haleta-t-elle. Tu ne penses pas que c'est une mission suicide ? »
Il l'observa d'un air courroucé, puis détourna la tête, plissant les yeux pour mieux voir à travers la pluie maintenant battante. Il continua à courir, malgré un léger boitillement qui commençait à s'accentuer au fur et à mesure de sa course. Son souffle court trahissait son impatience. Le mâle gris foncé semblait souffrir le martyr, mais il ne cillait pas. Son poil paraissait noir tellement il était trempé. Les chats qui le suivaient gardaient le rythme, en dépit de leur fatigue et de leurs blessures profondes.
« Tu me prends donc pour un lâche ? cracha-t-il. Je te pensais mieux que ça, Tornade Cendrée. »
Elle l'observa un instant et fût troublée par son ton acerbe. Lui qui était d'habitude plus aimable, surtout envers elle ! Un éclair scintillant déchira le firmament, éclairant quelques centièmes de secondes les collines, et le tonnerre retentit. La pluie tombait à présent si dru que des énormes flaques s'étaient formées. Le mâle au poil couleur de pierre boitait fortement à présent.
« Mais il faut que tu t'arrêtes ! Regarde ta patte ! Elle est tâchée de sang ! s'inquiéta-t-elle.
– Je me fiche bien de cette entaille, vois-tu ! »
Il maugréa ensuite quelques paroles incompréhensibles, puis fixa de nouveau l'horizon. La nuit était enfin tombée sur les collines, mais malgré cela, on distinguait les contours de chaque butte, chaque tertre, chaque terrier. Aile de Granit ne se préoccupait plus de la douleur. Sa décision était sans appel. Chacun de ses mouvements, chacune de ses paroles, chacun de ses actes était animé d'une froide détermination.
« J'ai dit que je le tuerai, déclara-t-il. Et je le ferai. » ajouta-t-il dans un souffle.

CHAPITRE I.

Une petite voix lui souffla qu'elle rêvait. Une souris dodue qu'elle aperçut au détour d'un arbrisseau feuillu la fit saliver. Suivant son instinct de félin, la femelle au pelage charbonneux adopta la position du chasseur, puis se mit à ramper lentement, ventre à terre, sans bruit. Ses longues pattes ne semblaient même plus toucher le sol tant elle se faisait légère. Tout en portant son poids sur son arrière-train, elle avançait, silencieuse, se remémorant entre temps les techniques de traque qu'elle avait acquis pendant des lunes. Le rongeur, assis sur ses deux petites pattes arrières en train de grignoter je ne sais quelle graine, ne se doutait absolument de rien. Sa cervelle était sans doute si petite qu'il n'avait pas compris que sa vie était convoitée. Cœur d'Étincelles inspira discrètement, la gueule entrouverte, pour mieux percevoir le fumet alléchant de sa proie.
Soudain, elle crut percevoir un bruit de cavalcade. La souris aussi, d'ailleurs, dut l'entendre. Le son était à présent si net, si proche, que la petite bête s'enfuit entre les racines noueuses d'un arbuste. Tout en se redressant, la guerrière se dit qu'elle allait écorcher vif la cervelle de moineau qui avait fait fuir ce si bon gibier. Elle sentit brusquement des coups dans ses côtes. Cœur d'Étincelles se réveilla sur la bruyère qui lui servait de litière. Une petite chatte roux sombre lui tapotait les flancs et tentait tant bien que mal de la sortir de son profond sommeil.
« Coeur d'Étincelles ! Hého ! Réveille-toi ! Le camp est attaqué ! »
Tentant de sortir de sa torpeur, la guerrière au pelage noir se leva et s'ébroua. Elle commençait à entendre les bruits de la bataille, bien qu'ils soient très confus. Elle n'avait même pas le temps de se faire la toilette ou encore même de s'étirer. Maudits assaillants ! Ils n'avaient même pas eu la politesse d'attendre l'aube pour attaquer ! C'était sûr, le premier qu'elle trouverai, elle lui ferait la peau ! Congédiant rapidement son apprentie, elle s'engagea entre les broussailles pour aller retrouver le lieu du combat. Parmi les fragrances sucrées des fleurs, elle discerna l'odeur amère du Clan du Tonnerre. Cœur d'Étincelles fut étonnée de les sentir, puisqu'ils avaient été leur allié jusqu'à aujourd'hui, mais se rappela que depuis que Flamme Sauvage avait été attaqué et séquestré un quart de lune dans leur camp, la tension entre les deux Clans était plus forte que jamais.

Dès qu'elle arriva, la femelle noire se jeta dans la bataille. Un mâle gris au ventre blanc tenta de lui labourer les flancs mais elle fut plus rapide que lui et le projeta en arrière. Un bruit sourd retentit lorsqu'il atterrit derrière elle. Elle se releva, vit qu'il était assommé, et repartit à l'assaut dans la mêlée en feulant. Des cris fusaient dans tous les sens, des touffes de poil volaient et du sang giclait. Une douleur atroce lui transperça l'arrière-train. Une chatte au poil roux et touffu s'était jetée sur elle, la griffant profondément sur le bas du dos et la mordant à la base de la queue. Cœur d'Étincelles tenta du mieux qu'elle put de blesser son adversaire, mais elle était tellement rapide, elle paraissait tellement expérimentée, que tous ses efforts pour la meurtrir restaient vains. Feulant, battant des pattes dans l'air, elle finit par se libérer. La guerrière noire se retourna et griffa le visage de son ennemie. Du sang jaillit de la plaie, éclaboussant l'herbe rase. Une plainte étouffée sortit de la gueule de la chatte du Clan du Tonnerre, et elle s'enfuit la queue entre les pattes. Ça, elle l'aura bien méritée, cette sale crotte de renard, pensa Cœur d'Étincelles.
La bagarre semblait prendre fin. Les assaillants étaient tous, au fur et à mesure, repoussés par le Clan du Vent. Quelques chats se battaient encore, mais tous connaissaient à présent l'issue du combat : le Clan du Vent l'avait emporté sur celui du Tonnerre.
Un terrible cri retentit dans la plaine. Cœur d'Étincelles tendit l'oreille. Pistant l'origine du hurlement, elle tomba sur un terrible spectacle. Une petite chatte reposait par terre, défigurée, une énorme entaille béant sur sa cuisse. L'odeur du sang brouillait la vue de la guerrière, mais elle reconnut tout de suite qui c'était : Nuage Rêveur. La terreur lui coupa le souffle, mais elle s'approcha de l'apprentie, et se coucha à son côté.
« Non ! Non, Nuage Rêveur … Non … Ne meurt pas ! Ma petite sœur, ne meurt pas ! »
Un fumet étouffé par l'odeur du sang lui parvint : celui du Clan du Tonnerre. Sa tristesse se mua peu à peu en haine farouche. Cœur d'Étincelles était désormais prête à tout pour venger Nuage Rêveur. C'est alors qu'elle vit qu'elle respirait encore. Un filet de sang s'écoulait de sa gueule, et des petites bulles rouges se formaient autour de ses narines. Elle lui lécha l'oreille.
« Ce crime ne restera pas impuni, promit-elle. »
Elle entendit un bruit de course. Humant l'air, elle se leva. Une femelle blanche déboula de derrière un bosquet, blessée sur le flanc, sur lequel il manquait quelques touffes de fourrure. Son air triomphant se transforma soudain en un gémissement pitoyable. La guerrière aux yeux marrons se mit à pleurer lorsqu'elle s'approcha du petit corps au pelage écaille.
« Qui a pu faire ça ? demanda-t-elle entre deux sanglots.
– Je ne sais pas, Feuille de Givre. » répondit Cœur d'Étincelles.
Elle fourra son museau dans sa fourrure ensanglanté, humant sa douce odeur. Celui qui avait commit une telle barbarie serait traité comme il le mérite. Nuage Rêveur aurait une vengeance digne de ce nom.

CHAPITRE II.

Plume d'Épines rentrait de la bataille. Malgré son oreille déchirée et ses flancs blessés, une lueur triomphante brillait dans ses prunelles jaunes pâles. Mais le prix à payer n'aurait pas dû être si cher : Nuage Rêveur, l'apprentie joyeuse et dynamique de Feuille de Givre, se battait à présent contre la mort. Fourbu, il alla clopin-clopant vers le gîte des guerriers. Orage d'Été faisait sa toilette en compagnie de Plume de Paon, Flamme Sauvage discutait en tête à tête avec Aile de Granit, Griffes de Foudre partageait une proie avec Pluie de Poussière et Goutte de Pluie et Œil de Lynx s'occupaient de partager des ragots entre amis. Seuls manquaient à l'appel Poil de Belette, Feuille de Givre et Cœur d'Étincelles, qui étaient au chevet de l'apprentie blessée. La chaleur régnait sur les collines verdoyantes, et cela faisait longtemps qu'il n'avait pas plu. La sécheresse faisait ses effets sur le territoire du Clan du Vent, les proies se cachaient dans leur terrier et les cours d'eau s'asséchaient. Ramassant une prise sur le tas de gibier, il alla s'installer près de sa sœur, Griffes de Foudre, et du lieutenant, Pluie de Poussière.
« Nous aurions dû nommer trois guerriers cette après-midi, après l'affrontement. Mais seuls deux sont rescapés de la bataille, déclara le mâle gris-beige.
– Oui c'est vrai, acquiesça la guerrière tigrée, mais je suis sûre que Nuage Rêveur va s'en sortir. Elle est forte, tu sais. »
La femelle lécha l'oreille de son compagnon. Tous appréciaient la petit chatte au pelage écaille, serviable et sympathique. L'appel du chef retentit dans la cuvette. Le matou blanc et roux bondit sur une butte arrondie et ses guerriers vinrent se poster à ses pattes.
« Que tous ceux qui sont en âge de chasser s'approchent du Tertre pour une assemblée du Clan. »
Des murmures à la fois tristes et heureux parcoururent la foule. Tous savaient de quoi recelait l'annonce du meneur.
« Ce matin, trois de nos apprentis se sont battus face au Clan du Tonnerre comme des guerriers du Clan du Lion. Ils méritent désormais leur nom de chasseur. Mais d'abord, rendons hommage à Nuage Rêveur qui se bat à présent contre la mort. Papillon Blanc, notre guérisseur, fait tout son possible pour la remettre sur pattes. »
Une mâle et une femelle, un blanc tacheté et une au pelage noir et aux yeux bleu glace s'approchèrent de leur meneur. Ils avaient leur poil lustré, mais semblaient partagés entre la fierté de devenir des guerriers et le désarroi face à ce qui était arrivé à leur amie.
« Moi, Étoile du Crépuscule, chef du Clan du Vent, j'en appelle à nos ancêtres pour qu'ils se penchent sur ces deux apprentis. Ils ont travaillée dur pour comprendre les lois de votre noble code et sont maintenant dignes de devenir des guerriers à leur tour. Nuage de Souffle, Nuage de Cerise, promettez-vous de respecter le code du guerrier, de protéger et de défendre votre Clan, même au péril de votre vie ?
– Oui, répondit Nuage de Souffle, fébrile.
– Oui, ajouta Nuage de Cerise d'un ton ferme.
– Alors par les pouvoirs qui me sont conférés par le Clan des Étoiles, je vous donne vos noms de chasseur : Nuage de Souffle, tu te nommeras Souffle de Glace, et toi, Nuage de Cerise, tu te nommeras Cœur de Cerise. Nos ancêtres rendent hommage à votre courage et à votre volonté, et nous vous accueillons dans nos rangs en tant que guerriers à part entière. »
Le meneur s'avança vers les deux nouveaux guerriers et posa son menton sur leur tête chacun leur tour, puis ils lui léchèrent l'épaule avec déférence. Le Clan se mit à scander le nom des deux nouveaux guerriers, tandis que Souffle de Glace s'approchait de son ancien mentor.
« Merci Plume d'Épines. Tout ça ne serait jamais arrivé sans toi. » souffla-t-il.
Étoile du Crépuscule, toujours assis sur le Tertre, battit de la queue et la foule se tut.
« Je vous rappelle que vous ne devez pas parler pendant toute la durée de votre veillée. Vous surveillerez le camp tandis que nous dormirons, ajouta-t-il, une lueur amusée dans les yeux. Un guerrier vous dira quand vous aurez de nouveau droit à la parole. »
La nuit tombait peu à peu sur le camp du Vent. Le Clan des Étoiles apparaissait dans la Toison Argentée. Une douce brise soufflait sur les collines. Plume d'Épines n'arrivait pas à dormir. Ses pattes le tiraillaient tellement qu'il en avait des crampes. Il se leva et s'ébroua parmi les autres guerriers endormis. Certains s'agitaient dans leur sommeil mais tous avaient l'air de dormir profondément. Le mâle rayé sortit du camp en trottant. Une fois dehors, il se mit à courir. Le seul moment pour profiter de l'air frais, c'était au crépuscule. Le vent soufflait dans sa fourrure. C'était tellement plaisant qu'il n'avait pas envie de s'arrêter, malgré ses douloureuses courbatures. Il se mit à ralentir, puis s'assit dans l'herbe et fit sa toilette. Le chasseur aperçut entre des fougères rabougries un lapin dodu. Il grignotait les feuilles desséchées de la plante et ne s'était rendu compte de rien. L'odeur de son repas devait sans doute le distraire. Plume d'Épines se tapit au sol en un instant, et se mit à ramper. Il s'immobilisa à quelques longueurs de queue de son gibier, adoptant automatiquement la posture du chasseur. Le rongeur au poil blanc agita une oreille. C'était le moment ou jamais de bondir. La proie tenta de prendre la fuite, mais le guerrier fut plus rapide et planta ses crocs dans sa nuque. Il vagît un instant avant de rendre l'âme. Plume d'Épines ne s'en était pas rendu compte, mais il mourrait de faim. Il arracha un bout de chair à sa prise et s'en délecta. Depuis peu, le gibier rapporté au Clan était sec et filandreux, et les reines manquaient parfois de lait. Éreinté, il s'endormit en un clin-d'œil, le ventre plein.

CHAPITRE III.

Cœur d'Étincelles se réveilla aux côtés de Nuage Rêveur. Cela faisait maintenant trois aubes qu'elle n'avait pas quitté son chevet, la veillant, faisant attention à elle, vérifiant si elle ne se réveillait pas. Papillon Blanc avait appliqué maintes et maintes toiles d'araignée sur la plaie de la novice, mais du sang coulait encore, et les toiles en étaient imbibées. La jeune femelle relevait parfois la tête, poussait un râle rauque, puis retombait dans le sommeil. Le guérisseur avait expliqué à la guerrière que les muscles de la cuisse de l'apprentie avaient été déchirés, et que celui qui avait fait ça était un vrai barbare. Sa vie reposait maintenant entre les pattes du Clan des Étoiles. Un appel résonna dans la cuvette.
« Cœur d'Étincelles ! héla une jeune femelle au poil roux sombre. Allez viens, je vais te sortir de là moi ! »
Nuage Pourpre s'approcha en trottinant de la guerrière noire, puis se coucha à ses côtés. Elle lui donna un petit coup de museau sur le flanc.
« Viens avec moi, on va s'entraîner. Il est temps de se réveiller. »
Outrée, Cœur d'Étincelles la fixa dans les yeux.
« Tu penses que j'ai vraiment la tête à ça, là ? cracha-t-elle.
– Oui, je sais que tu attends qu'elle se réveille. Mais si tu ne te bouges pas, tu vas finir par devenir un gros blaireau grincheux. »
La guerrière lui adressa une œillade sévère, mais elle savait qu'elle avait raison. Depuis que Nuage Rêveur se battait pour sa vie, Cœur d'Étincelles n'avait fait que rester avec elle. Il fallait qu'elle se remue un peu. La femelle au pelage noir se redressa, s'étira quelques secondes puis sortit du camp en trottant, suivie de sa novice. Traversant la lande, elle se mit à accélérer. Qu'il était bon de sentir le vent lui siffler entre les oreilles !
Les deux chattes arrivèrent à la combe d'entraînement. Nuage Pourpre courait tellement vite qu'il lui fut impossible de s'arrêter et elle s'écrasa dans un buisson d'aubépine. Cœur d'Étincelles pouffa de rire tandis que la novice rousse tentait de se sortir des broussailles. Après quelques efforts et plusieurs touffes de fourrure en moins, l'apprentie finit par se libérer. La guerrière au pelage noir essayait de ne pas rire, mais c'était très dur, surtout après avoir vu le regard honteux de Nuage Pourpre.
Le soleil brillait au loin sur les cimes des montagnes enneigées. Une lumière orangée s'abattait sur les collines, transformant l'herbe verdoyante en un lac doré. Le souffle du vent s'était tût, et on entendait plus que le sifflement des oiseaux et les remous des cours d'eau. Cœur d'Étincelles entendit soudain un étrange glapissement. La novice dut aussi l'entendre car ses oreilles rousses tournaient comme des girouettes. De derrière un bosquet surgit un renard. Il était si maigre et si décharné que ses côtes saillaient sous sa peau. Son poil était vraiment très sale, comme s'il n'avait pas fait sa toilette depuis des lunes et ses yeux étaient vides et ternes. Apparemment, il ne cherchait pas la bagarre, et savait que s'il attaquait, les félines auraient eu le dessus facilement. Un renard affamé ne faisait pas le poids contre deux félines en pleine forme. Nuage Pourpre montra les crocs et hérissa sa fourrure. Tant elle était touffue, l'apprentie paraissait deux fois plus grosse. Les poils noirs de la guerrière se dressèrent sur son échine, et elle cracha au visage du renard. Mais elle avait plus de pitié pour lui qu'autre chose. En un instant, elle bondit, mais la femelle rousse fut plus rapide qu'elle. Elle s'abattit sur la croupe brune de l'animal et le fit basculer sur le côté. Elle martela son ventre de coups de patte saccadés puis le mordit à l'oreille. Elle éternua car des poils lui chatouillaient le museau, mais elle tint bon et fit fuir la bête. Triomphante, elle se tourna vers son mentor, le poitrail gonflé et la queue bien droite. Son pelage roux était de nouveau aplatit sur son corps.
« Bon, à vrai dire, lança-t-elle, j'ai eu la pire frousse de ma vie, mais j'suis trop contente de l'avoir fait fuir. »
Et elle se mit à bondir autour de la guerrière, joyeuse. La tutrice sentit une douce chaleur parcourir sa peau. Elle était si fière de sa novice ! Puis elle pensa à sa sœur, qui peut-être ne pourrait jamais plus chasser en sa compagnie, se battre ou même faire fuir un renard ! Le désespoir enserra son cœur d'un étau de fer. Cœur d'Étincelles eut l'impression que le monde se dérobait sous ses pattes, que l'air lui manquait. Elle s'écroula au sol. Nuage Pourpre, qui était occupée à pister une grive, se détourna lorsqu'elle l'entendit tomber. Elle accourut, puis s'allongea auprès d'elle. La novice lui lécha l'oreille, compatissante.
« Allez, Nuage Rêveur va guérir, tu verras ! »
La femelle au pelage sombre n'en était pas si sûre. La blessure de sa sœur avait l'air tellement infectée, tellement grosse, tellement profonde ! Cœur d'Étincelles entendit un bruit de course. Une chatte au poil gris-beige apparut au détour d'une motte de terre. Une lueur de bonheur brillait dans ses yeux. Poil de Belette s'approcha de son amie.
« Viens vite Cœur d'Étincelles ! Nuage Rêveur s'est réveillée ! »

CHAPITRE IV.

Des murmures joyeux s'élevèrent au dessus du crépitement des cigales. Chaque chat du Clan du Vent avait une esquisse de sourire sur les babines. Même les chatons, aussi ignorants qu'ils soient. Une horde de félin s'était regroupée autour d'un grand rocher creux, dont la base disparaissait sous terre. Tous tentaient un regard par dessus l'épaule de l'autre, essayant de discerner une forme sombre au fond de la tanière. Un miaulement rauque les fit se disperser. Un petit mâle brun et blanc apparut sur le seuil de l'antre, feula une menace que Plume d'Épines n'entendit pas mais qui fit frissonner l'attroupement de félins. Un matou trapu au pelage gris foncé lança une question au guérisseur :
« Mais peut-on au moins savoir comment elle va ? »
Papillon Blanc montra les crocs. Même si sa carrure n'aurait pas fait frissonner un moineau, il était entièrement dédié à ses patients, et si quelqu'un se permettait de nuire à leur rétablissement, il ne s'empêcherait pas de lui arracher les oreilles à coups de griffes. Il lança un regard irrité au guerrier.
« Si vous ne la laissez pas tranquille, c'est sûr qu'elle ne guérira pas ! » cracha-t-il à Aile de Granit.
Des chuchotements agacés agitèrent le rassemblement du Clan. Tous ne semblaient pas satisfaits de la réplique du matou brun, mais ils s'en contentèrent et retournèrent vaquer à leurs occupations. Une reine au pelage long et gris argenté avançait d'un pas lourd. Son ventre frôlait le sol. Flocon d'Argent ! Apparemment, elle n'est pas loin de mettre bas, songea le chasseur tigré. La femelle attendait les petits d'Orage d'Été, un des vétérans du Clan. Elle avait été convoitée par une douzaine de matous de toutes les tribus réunies, mais elle avait offert son cœur au mâle du Clan du Vent. Le couple était très uni, malgré leur importante différence d'âge, et la femelle allait maintenant donner vie à des chatons. Un violent spasme agita son abdomen. Elle s'écroula dans un cri atroce. Un vent de panique souffla soudain sur le camp. Le compagnon de Flocon d'Argent était arrivé le premier, suivi de près par Plume d'Épines. La seconde reine, Cœur de Citron, déboula près de son amie, et s'allongea près d'elle. Elle se mit à lui lécher le bas-ventre, tandis que les yeux de la femelle prête à mettre bas se révulsaient tant elle souffrait. Elle releva la tête et poussa une plainte déchirante. Papillon Blanc accourut, portant un ballot de plantes médicinales entre ses mâchoires. Leur odeur se mêlait à celle du sang, et Plume d'Épines eut un haut-le-cœur.
Une toute petite tête blanche apparut au milieu d'une touffe de poil ensanglantée. Un piaillement aigu sortit de sa minuscule gueule rose, découvrant ses microscopiques crocs blancs. Il fut suivi de près par une petit femelle qui possédait le même pelage que sa mère. En dernier, un chaton gris-bleu apparut. Ils se mirent à ramper vers les mamelles pleines de lait, mués d'un instinct primitif. Le guérisseur, pendant ce temps, s'occupait de la blessée. Elle ne semblaient plus souffrir, apaisée par les herbes de Papillon Blanc. Elle lécha avec tant de tendresse chacun de ses chatons que Plume d'Épines en fut ému.

Une nouvelle patiente avait fait son entrée dans le repère du guérisseur du Clan du Vent. Restés à ses côtés, Feuille de Givre, sa sœur, Orage d'Été, son compagnon, et Nuage d'Étoiles, sa première fille, veillait la nouvelle mère. La guerrière blanche jetait des coups-d'œil dans deux directions opposées. Couché dans sa litière, la tête posée sur ses pattes avant, Plume d'Épines avait de la peine pour elle. En premier lieu, son apprentie avait été battue presque à mort pendant un combat. En deuxième lieu, sa sœur avait faillit perdre la vie en donnant le jour à trois petits chatons. Lui n'aurait pas eu la force de perdre Souffle de Glace puis Griffes de Foudre. À quelques longueurs de queue de lui, Aile de Granit, un des guerriers aguerris du Clan, observait l'antre du guérisseur. Il jetait des œillades mauvaises à la reine grise qui voyageait dans le monde des songes. Ses yeux vairons passaient d'elle à Orage d'Été, une lueur sombre dans le regard. Les poils de sa nuque se dressèrent, et il détourna soudain sa large tête vers le mâle tigré, crachant. Jamais Plume d'Épines n'avait vu telle réaction chez lui. Aile de Granit semblait tellement en colère ! Il était réputé pour ses accès de colère faciles, mais aussi pour sa force et sa détermination à toute épreuve. Penaud, le matou rayé reposa sa tête sur ses pattes, et s'endormit, troublé. Il fit des rêves agités, mais le matin, ne se souvint de rien.
Lorsqu'il se réveilla, la petite vie du Clan avait déjà repris son cours habituel. Les apprentis apportaient de la mousse ou retiraient leurs tiques aux anciens, fronçant la truffe à cause du fumet de la bile de souris. Les guerriers partaient en patrouille, Petit Faucon et Pattes de Jais se chamaillaient près d'une souche, et Papillon Blanc prenait soin de Flocon d'Argent. Plume d'Épines fut surpris de voir Nuage Rêveur assise sur un rocher surplombant la cuvette, sa queue entourant ses pattes. Une lueur nouvelle brillait dans ses yeux verts foncés. Un bandage plutôt épais de toiles d'araignée recouvrait son flanc droit et son oreille gauche – enfin ce qu'il en restait. Lorsqu'il bondit à son côté, une puissante odeur lui fit tourner la tête. Il reconnut le cerfeuil, que le guérisseur utilisait souvent pour désinfecter les plaies de ses malades. La novice ne faisait pas attention à lui.
« Salut, lança-t-il. »
Elle tourna sa tête vers lui d'un air surpris. Elle esquissa un sourire lorsqu'elle le reconnut, mais son visage était paralysé par sa blessure à l'oreille.
« Salutations Plume d'Épines. » répondit-elle. Son ton était étrangement froid. « Comment vas-tu ? »
Le mâle rayé fut consterné de cette attitude de la part de l'apprentie. Il la connaissait plus aimable.
« Ça va bien, mais je te retourne la question. » tenta-il en souriant.
Elle lui jeta un regard outré, comme si mille épines de hérisson s'étaient plantées dans sa chair, puis se détendit aussitôt. Elle est vraiment bizarre, en ce moment, pensa Plume d'Épines. Elle doit être bouleversée, estima-t-il.
« Comme si comme ça. » rétorqua la femelle écaille. « M'enfin, je te le dit tout de suite, j'ai peu de chances de devenir une guerrière. »
Un frisson parcourut le pelage du chasseur. Elle n'avait même pas l'air de comprendre ce qu'elle disait !
Elle délire, ma parole ! songea le chasseur tigré. Elle m'annonce ça, comme ça ! Des abeilles lui bourdonnent dans la tête ou quoi ?

CHAPITRE V.

Cœur d'Étincelles se réveilla dans le gîte des guerriers. C'était la première nuit depuis un quart de lune qu'elle y mettait les pattes. Elle restait constamment auprès de sa sœur convalescente, mais maintenant qu'elle était à nouveau d'aplomb, la chasseresse noire avait regagné sa litière de plumes. Les rayons du soleil pointaient derrière les collines arrondies. Une brise glaciale soufflait dans la cuvette. Seuls quelques félins du Clan du Vent étaient éveillés, et une patrouille était prête à partir, sous le commandement de Pluie de Poussière, le lieutenant.
« Attendez-moi ! » lança la chatte au poil sombre tout en s'élançant vers ses congénères. Le lieutenant gris beige détourna sa tête vers elle et la salua. Il était accompagné de Plume de Paon, une belle chatte au pelage marron, de Goutte de Pluie, un jeune guerrier blanc et brun, de Nuage de Brouillard, un apprenti gris clair, et de Poil de Belette, une femelle au poil beige, la meilleure amie de Cœur d'Étincelles. Elle s'approcha et frotta sa truffe contre celle de son amie.
« Coucou ! souffla-t-elle. Ça fait plaisir de voir que tu reprends un peu du poil de la bête ! »
Pluie de Poussière agita sa queue, et les félins s'élancèrent à sa suite dans une petite ravine. L'astre lumineux avait enfin paru derrière les monts, et Cœur d'Étincelles se délecta de sa chaleur dorée. Le grand mâle gris beige accéléra le pas. Le lac défilait à toute vitesse devant les yeux de la chasseresse noire. Le lieutenant stoppa net devant la frontière qui les séparait du Clan du Tonnerre. Les remugles âcres de la tribu ennemie lui firent froncer le museau. Elle avait envie de traverser la rivière et de se jeter à la gorge du premier félin venu, rien que pour assouvir sa soif de vengeance. Les chats du Clan du Vent se mirent à marquer leur territoire, et lorsqu'ils reprirent le cours de leur patrouille, leur forte odeur embaumait maintenant les rives du torrent. Ils continuèrent le long des collines, à la lisière de la forêt. Son ombre sordide se découpait sur les flancs des collines. Un vent froid sifflait en serpentant entre les arbres feuillus. Des fruits secs étaient tombés à terre et parsemaient à présent la terre sèche. Après avoir inspecté en profondeur toutes les frontières, ils retournèrent au camp.
Le soleil brillait à présent à son zénith. Cœur d'Étincelles dévorait un lapin en compagnie d'un guerrier brun-roux, Flamme Sauvage. Elle se délectait de la beauté de ses yeux, de sa carrure athlétique, de son pelage de feu … Elle secoua la tête pour se débarrasser de ces pensées mielleuses. Mais que m'arrive-t-il ? Elle se détourna. Elle avait honte. Comment je peux être si gourde ? La guerrière noire arracha un bout de chair à son repas d'un coup de croc. Le mâle roux l'observait, une étincelle brillant dans ses prunelles bleues.
« Alors, dit-il, tu viens à l'Assemblée ce soir ?
– Oui, et toi ?
– Oui, acquiesça Flamme Sauvage. On restera ensemble ? »
Cœur d'Étincelles rougit sous son pelage foncé. Elle souffla un petit “oui” et se leva, trottant au hasard dans le camp. Elle ne le voyait pas, mais le guerrier roux l'observait d'un air étonné, comme s'il avait dit une phrase qui aurait vexé la chasseresse. Vaquant au hasard dans le camp, elle s'arrêta devant la grande tanière qui servait de pouponnière. Sentant la douce odeur du lait, elle y entra. Flocon d'Argent allaitait ses trois chatons, qui ronronnaient de plaisir et appuyaient leurs petites pattes contre le ventre de leur mère. Leurs yeux étaient encore clos et tous fripés. Cœur de Citron, une autre reine, observait la scène avec un sourire en coin, comme si elle souhaitait être à sa place. Flocon d'Argent avait déjà eu une fille, Nuage d'Étoiles, mais elle semblait redécouvrir les plaisirs d'une mère.
« Bonjour Flocon d'Argent. » Comme elle plissait les yeux pour mieux voir dans la pénombre, elle ajouta : « C'est moi, Cœur d'Étincelles. Je suis venue voir les nouveaux-nés. »
La reine grise agita les oreilles. Elle lui présenta alors les petits :
« Tu vois, le petit mâle gris-bleu, fit-elle en le désignant de la queue, c'est Boule de Feuille. Je suis si fière, il a l'air si valeureux ! » Elle lui lécha le dos. « Ensuite, la chatte qui ressemble à Orage d'Été, c'est Patte de Mousse. » Elle la saisit entre ses dents car elle tentait de s'éloigner. « Et lui, le petit chaton blanc, je ne sais pas de qui il tient – sûrement de sa tante – , il s'appelle Petit Pommier. Aucun d'entre eux n'a encore ouvert les yeux. »
C'était étrange, car Boule de Feuille et Patte de Mousse possédaient un museau plutôt plat et une tête triangulaire. Pourtant, leur frère, Petit Pommier, avait une tête plus arrondie et sa truffe pointait légèrement en avant. Sur le coup, cela troubla Cœur d'Étincelles, mais elle oublia vite ces pensées et s'approcha d'eux. Ils étaient tellement attendrissants ! Quand j'aurai des chatons, songea-t-elle, je saurai m'en occuper.
Quand elle sortit de la pouponnière, elle vit que le soleil avait commencé à décliner. Une lumière orangée englobait maintenant le camp du Vent. Un appel retentit. C'était Flamme Sauvage qui arrivait.
« Cœur d'Étincelles ! héla le mâle roux. Tu viens, on va chasser avant l'Assemblée. »
Une douce chaleur envahit sa poitrine. Lui, l'invitant à chasser ! Elle accourut. Mais qu'avait-elle cru ? Le jeune guerrier Cœur de Cerise l'accompagnait. Ah ! Cette sale crotte de renard est avec nous ! Mais qu'est-ce que je m'imaginais moi … En tête à tête avec lui ? Jamais ! C'est son meilleur ami !

CHAPITRE VI.

Le Clan du Vent se mit à courir comme un seul chat à travers les collines. On pouvait distinguer, longeant le pourtour du lac, le Clan du Tonnerre. Plume d'Épines les regardait en coin, et déglutit pour éviter de leur bondir dessus et de briser la trêve sacrée. Des relents de haine parvinrent au guerrier rayé : l'inimité entre les deux Clans n'avait jamais été aussi forte. Parmi la tribu adverse, il reconnut une grande femelle au pelage noir, Poil de Nuit, contre laquelle il s'était battu griffes et crocs. Les deux Clans traversèrent le territoire des chevaux, puis atteignirent l'arbre couché. Plume d'Épines se souvint que, lorsqu'il était un apprenti, les anciens lui avaient conté que c'était le Clan des Étoiles lui-même qui l'avait foudroyé. Depuis plusieurs lunes il n'était pas venu aux Assemblées. Il avait hâte d'y être pour voir ses amis et entendre les nouvelles rapportées par les autres tribus. Lorsqu'il bondit sur l'arbre-pont, ce dernier frémit sous son poids. Le chasseur n'avait surtout pas envie de tomber à l'eau et de se ridiculiser ! Les poils de sa nuque se hérissèrent. Si je tombe, je serai la risée de tout le monde !
Après avoir enfin traversé, il se retrouva sur la terre ferme. Quel bonheur de voir de nouveau cette clairière ! Des feuilles racornies pendaient mollement aux branches des arbres, annonçant l'approche de la saison des feuilles mortes. En attendant le début de l'Assemblée, il rejoignit un de ses amis du Clan de l'Ombre. Le mâle roux au ventre blanc faisait sa toilette à l'ombre d'un buisson d'aubépine.
« Plume de Pinson ! » héla le guerrier tigré.
Le matou détourna la tête, et lorsqu'il reconnut son ami, il l'invita à le rejoindre. Ils s'écrasèrent la truffe l'une contre l'autre. Bien qu'ils soient de deux clans différents, les deux félins étaient comme frères. Ils commencèrent à se raconter ragots et quolibets, sans pour autant en dire trop sur leur Clan.

Les quatre chefs étaient à présent réunis sur la souche, leur lieutenant à leurs pattes. Plume d'Épines ne voyait pas Pelage Tigré, un grand guerrier du Clan du Tonnerre respecté de tous, mais à sa place, Poil de Nuit. Elle discutait discrètement avec le lieutenant du Clan de la Rivière, Cœur de Braise, un matou haut sur pattes au poitrail blanc et au pelage brun tigré. Étoile Fauve, le chef du Clan de l'Ombre, un chat brun tacheté, intima le silence d'un coup de queue. Il prit ensuite la parole et s'adressa aux trois autres meneurs :
« Puis-je prendre la parole le premier ? » demanda-t-il poliment. Les trois autres félins acquiescèrent.
« Chers chats de Clan, bien le bonsoir à vous tous, entonna Étoile Fauve d'un ton mielleux. Cette lune-ci, Boule de Poil est né : c'est le chaton de Fleur d'Ombre et de Cœur de Trèfle. De plus, nous avons nommé un nouveau guerrier et deux novices : applaudissez bien fort Lune Blanche, Nuage d'Abeille et Nuage de Soleil. Leurs mentors respectifs sont Patte de Miel et Écaille de Serpent. »
Des acclamations parcoururent le rassemblement. Parmi les chats, Plume d'Épines distingua un femelle au pelage gris clair, un petit mâle brun clair tigré et, à ses côtés, une femelle au poil brun-doré. Plume de Pinson souffla à l'oreille de son ami.
« Lune Blanche et moi, nous allons avoir des chatons. » Plume d'Épines se tourna vers son ami, bouche-bée.
« Ne fais pas cette tête-là, ajouta le mâle roux en riant. Elle me l'a annoncé il y a seulement deux aubes. À part elle et moi, personne n'est au courant. »
La chef du Clan du la Rivière, Étoile de Suie, une femelle au pelage crème, déclara ensuite les nouvelles concernant son Clan.
« Nous déplorons la mort d'un de nos anciens, Cœur du Corbeau. Tout le Clan le pleure. Sinon, nous avons nommé une nouvelle novice : Nuage de Roc. Elle est l'apprentie de Feuille de Lierre. »
La petite femelle grise se trouvait à la lisière de la clairière. Elle semblait plus que timide, mais lorsque son chef prononça son nom, elle gonfla son poitrail blanc. Le chef du Clan du Tonnerre, Étoile de Pierre, un matou gris foncé, entonna son discours.
« Pelage Tigré, notre lieutenant, est mort. Le Clan du Tonnerre rend hommage à sa bravoure et à sa dévotion. » Il ne cita pas les circonstances de son décès, mais il était âgé, et avait dû décéder suite à ses blessures pendant le combat contre le Clan du Vent. « J'ai donc nommé à sa suite Poil de Nuit. » Le Clan du Tonnerre scanda le nom de leur nouveau lieutenant. La chatte gris foncé rayée de noir se rengorgea, assise au pied de la souche.
« C'est maintenant au tour du Clan du Vent. » Étoile du Crépuscule débuta :
« Deux nouveaux guerriers sont entrés dans nos rangs : Souffle de Glace et Cœur de Cerise. » Plume d'Épines chercha la femelle noire aux yeux bleu, mais ne la trouva pas. Quant au matou blanc tacheté, il était assis près de Flamme Sauvage. « Et Flocon d'Argent, une de nos reine, à donné naissance à trois chatons en pleine forme, Petit Pommier, Boule de Feuille et Patte de Mousse. »
Maintenant que tous les meneurs avaient annoncé les nouvelles à propos de leurs tribus, l'Assemblée se dispersa. Le chasseur tigré salua son ami, le meneur du Clan du Vent appela ses guerriers et ils traversèrent les uns après les autres l'arbre-pont.

CHAPITRE VII.

Cœur d'Étincelles ne voyait absolument rien. Une brume épaisse avait envahi les collines. Une lumière blanche perçait au loin. La guerrière noire se mit à courir. Chacune de ses respirations se transformait en une petite fumée qui s'évanouissait aussitôt. Malgré la brûlure qui lui enserrait la gorge, elle continua. Le brouillard était toujours aussi dense, mais la chasseresse savait que quelque chose l'attendait, là-bas, au loin. La bruine commençait à se dissiper. Des formes floues apparaissaient et disparaissaient de son champ de vision. Plus elle s'approchait d'eux, plus ils s'éloignaient, distants, lointains. Un félin paré d'étoiles surgit de derrière un bosquet. Il vint s'arrêter devant la guerrière. Il était massif, assez grand et son pelage était gris clair tacheté de noir. Pelage d'Ortie ! Mon père ! Il se mit à parler.
« Prend garde à celui qui se cache dans le noir. »
Et il s'évanouit dans l'ombre. Elle entendit alors une complainte gutturale, jusqu'à ce qu'elle enfle à en devenir une clameur. Cœur d'Étincelles se mit à marcher. Une rivière de sang venait couler jusqu'à ses pattes. Sa texture poisseuse et son odeur amère donnèrent la nausée à la guerrière. Elle suivit le cours de ce ruisseau, et tomba sur une scène déchirante.
Une chatte était étalée à terre, et elle reposait dans son sang. Son long poil gris tigré imbibé trainait dans la poussière. À ses côtés était allongé un matou au pelage gris-bleu. Les deux félins ne semblaient pas voir Cœur d'Étincelles. Le mâle gris-bleu léchait l'oreille de sa compagne, et l'encourageait à ne pas s'endormir. Sur son ventre reposaient deux petits chatons gris et gris-bleu. La guerrière noire reconnut les félins : Flocon d'Argent et Orage d'Été, accompagnés de Patte de Mousse et de Boule de Feuille. Mais où est Petit Pommier ? songea la chasseresse au pelage sombre avec horreur. Le petit mâle blanc n'était pas avec ses parents. Soudain, elle entendit des bruits de pas. Elle fila se cacher dans un fourré sans pour autant quitter la scène des yeux. Un autre chat s'approchait, lentement. Il était tourné, alors la femelle noire ne pouvait pas voir son visage. Dans sa gueule, il portait un chaton tout blanc. Ses yeux étaient grands ouverts, un bleu, et l'autre, marron clair. Petit Pommier ! Il miaulait si aigu que cela en était pitoyable. Le mâle qui le portait était caché dans l'ombre, et une lueur de malice brillait dans ses yeux. Il était impossible de déterminer qui il était, ou à quel Clan il appartenait. Il continuait à mordre fermement la peau du chaton entre ses crocs. Il se mit alors à feuler avec rage, lâcha le chaton blanc et se jeta sur Orage d'Été. Les deux chats roulèrent au sol dans un tourbillon de poils, de crocs, de griffes et de sang. Flocon d'Argent, étalée dans le sable, se mourrait peu à peu. Elle gémissait tandis que les deux matous se battaient. Cœur d'Étincelles, toujours dissimulée, observait la scène. Elle essayait du mieux qu'elle pouvait de distinguer le visage de l'assaillant, mais il restait encore et toujours dans l'obscurité.
Le chat inconnu plaqua le guerrier gris-bleu au sol. Il grogna une menace inaudible, et plongea ses crocs dans la gorge d'Orage d'Été. Ce dernier battit faiblement des pattes, puis elles retombèrent, flasques. Le chasseur contemplait maintenant le ciel sans le voir. Flocon d'Argent, sur le côté, commençait à haleter. Ses prunelles bleues brillaient d'une intense passion. Comme si elle n'avait jamais été blessée, elle se redressa et vint se frotter au mâle inconnu. Elle balaya d'un coup de patte Boule de Feuille et Patte de Mousse et saisit Petit Pommier. Les deux chats s'enfuirent alors, leurs queues entrelacées. Cœur d'Étincelles se mit à crier.

La chasseresse au poil noir du Clan du Vent se réveilla sur sa litière de plumes. Apparemment, elle avait réveillé quelques guerriers de sa tribu, qui l'observaient d'un air courroucé, la tête relevée. Parmi eux elle vit Œil de Lynx, un grand matou brun foncé rayé de noir aux yeux bleus, Aile de Granit, un mâle plutôt trapu, au pelage gris et aux yeux vairons, et Plume de Paon, une belle femelle à la fourrure brune. Gênée, elle se leva et se dirigea droit vers l'antre de Papillon Blanc. Elle savait que sa sœur ne dormait plus qu'une partie de la nuit, et que quelques temps avant les premiers rayons du soleil, elle était déjà réveillée. Elle la trouva sur le rocher où elle passait le plus clair de son temps, couchée, la tête entre les pattes, ses prunelles vert foncé levées vers la Toison Argentée. Son pelage blanc et écaille était ébouriffé par le vent. Elle agita une oreille lorsqu'elle entendit arriver sa sœur, et leva la tête. Lorsqu'elle la vit, elle la reposa entre ses pattes et continua à contempler le ciel.
« Salut ! chuchota la guerrière noire. Tu es réveillée depuis longtemps ?
– À vrai dire, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. »
La novice frotta sa truffe contre celle de sa sœur aînée, et l'invita à s'allonger près d'elle. Elle semblait avoir changé depuis son attaque. Elle n'était plus l'apprentie bondissante et sympathique qu'elle connaissait auparavant. Elle était devenue froide et étrange. L'ancienne Nuage Rêveur avait disparu.
« Cœur d'Étincelles. » souffla-t-elle. La guerrière se tourna vers elle. Sa sœur la regardait maintenant dans les yeux, une lueur inattendue de sagesse les illuminant.
« Tu vois, Papillon Blanc m'a affirmé qu'il ferai tout son possible pour me voir guerrière. » Elle leva les yeux au ciel. « Tout ça, c'est de niaiseries. Ne braille pas, je sais que je ne serai jamais une chasseresse, une vraie. J'avais demandé à Papillon Blanc si je pouvais être son apprentie, mais il m'a regardé tellement bizarrement que j'en ai pas ajouté plus. Mais pour moi, mon destin est scellé. C'en est terminé des combats et des parties de chasse. Terminé. »