Chapitre 1
La demie-lune qui brillait dans le ciel nocturne filtrait à travers la vitre de la salle à manger et éclairait le panier où dormait Manouche, la chatte des Marcellin, six mois et seul animal de la maison dans les bois. Manouche était née dans une autre maison dont elle ne se souvenait pas. Ici, elle avait une belle vie, avait de la nourriture tous les jours dans sa gamelle, était chouchoutée par ses maîtres, que ce soit les deux parents ou les deux enfants, sa litière était toujours propre, mais elle n'avait aucun ami du fait de l'éloignement de sa maison de la ville. Elle avait souvent pensé s'en aller mais elle ne savait pas où aller et ses maîtres lui manqueraient beaucoup. Bref, elle se plaisait beaucoup.
Soudain, elle se réveilla en sursaut. Elle ouvrit ses yeux verts et inspecta la salle du regard : il n'y avait rien d'anormal. Un nouveau bruit se fit entendre, tel un chat rugissant sa colère. Elle put identifier d'où il venait : de la forêt. Elle sortit de son panier et monta sur le rebord de la fenêtre, qui offrait une vue panoramique sur la forêt environnante. Elle ne voyait rien. Il y eu un troisième bruit, identique aux deux précédents. Elle ne voyait toujours rien. Elle voulut sortir pour aller aider ce chat hurlant, mais ces maîtres avaient l'habitude de toujours fermer sa chatière avec un petit verrou pendant la nuit et ils fermaient également toutes les portes et fenêtres.
« Pourquoi cette habitude de toujours fermer les issues quand ils dorment ? » rouspéta la chatte de sa voix roque, soucieuse de ce qui pouvait être arrivé à ce chat inconnu.
Elle retourna dans son panier, inquiète.
Pourquoi ce chat a-t-il hurler comme ça ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Manouche retrouva sa position dans son panier mais eu du mal à retrouver le sommeil. Elle imagina des scénarios qui expliqueraient ce hurlement :
Peut-être ce chat s'est-t-il fait prendre dans un piège. Ou peut-être s'est-t-il fait attaqué par un renard. Mille questions tournèrent dans sa tête mais elle se rendormit quand même.
Le lendemain matin, ce fut les croquettes que l'on versait dans sa gamelle qui la réveilla. Elle s'étira longuement avant d'aller se frotter sur les jambes de son maître, l'un des petits, en guise de remerciement. Elle mangea quelques croquettes en se rappelant ce qu'elle avait entendu cette nuit. Elle prit la décision d'aller ce promener dans la forêt non seulement pour venir en aide au chat inconnu mais aussi pour se dégourdir les pattes. Sa chatière n'était pas encore ouverte. Elle fit comprendre à son maître qu'elle voulait sortir en miaulant, ce qui fonctionna car il vint enlever le petit loqué. Elle se faufila par la sortie et se retrouva dans le jardin bien entretenu par la mère de la maison. Elle traversa les petites allées en gravillons qui lui piquaient les coussinets et sauta au-dessus de quelques bouquets de fleurs. Elle se retrouva bientôt à la lisière de la forêt de sapins et de chênes.
Elle avait déjà mit les pattes dedans, mais n'était jamais restée très longtemps car elle savait que c'était un endroit assez dangereux. Parfois, des chats sauvages passaient devant sa maison et prenaient le temps de parler avec elle. La chatte avait apprit beaucoup de choses d'eux. Ils étaient tous des solitaires, comme ils disaient, c'est-à-dire qu'ils étaient sauvages et qu'ils ne vivaient dans aucun clan. Elle savait aussi qu'un clan était un groupe de chats sauvages vivant en communauté, souvent dans les forêts loin des Bipèdes et des villes. Il n'y en avait pas dans cette forêt. Un clan a une organisation qui peut changer d'une région à l'autre. Les clans voisins doivent se réunir tous les soirs de pleine lune en paix total, sous peine d'une colère du clans des étoiles, les guerriers décédés qui veillent sur eux. Grâce aux solitaires, elle savait beaucoup de choses sur les chats sauvages, mais se posait aussi beaucoup de questions, du genre : Est-ce-que les chats domestiques peuvent aussi rejoindre les rangs du clan des étoiles quand ils meurent ? Manouche secoua sa tête pour effacer ces pensées et rentra donc dans la forêt.
Le soleil était déjà assez haut dans le ciel mais il faisait sombre sous le feuillage des nombreux arbres. Le sol, recouvert de mousse et de feuilles tombées pendant la saison des feuilles mortes actuelle, bruissait à chaque pas de la chatte tricolore. Elle jetait sans cesse des regards à droite et à gauche en épiant le moindre mouvement de feuille et avait les oreilles grandes ouvertes. Elle tachait de se faire la plus discrète possible pour ne pas se faire remarquer par un éventuel chat mais cherchait toujours des yeux une marque du passage du chat qu'elle avait entendu la nuit précédente. Elle continua son chemin, en s'enfonçant de plus en plus dans cette étendue d'arbres. Au moment ou elle entrait dans une clairière, inondée de lumière, qu'elle connaissait, elle fut surprise de voir qu'au beau milieu de l'étendue d'herbe se trouvaient les restes d'un petit animal. Manouche s'approcha tranquillement des petits ossements et vint les renifler. C'était un lapin qui avait été mangé peu de temps auparavant, peut-être la nuit dernière par le chat qu'elle cherchait. En pensant que ce chat pouvait encore être dans les environs, elle se tapis au sol et retourna à pas de velours vers le buisson pas lequel elle était rentrée, quand une voix s'éleva derrière elle :
« Je n'ai jamais vu un chat aussi bruyant ! »